Sonnet spirituel (XVIII)

Je regrette en pleurant les jours mal employez
A suivre une beauté passagere et muable,
Sans m’eslever au ciel et laisser memorable
Maint haut et digne exemple aux esprits devoyez.

Toi qui dans ton pur sang nos mesfaits as noyez,
Juge doux, benin pere et sauveur pitoyable,
Las ! releve, ô Seigneur ! un pecheur miserable,
Par qui ces vrais soupirs au ciel sont envoyez.

Si ma folle jeunesse a couru mainte année
Les fortunes d’amour, d’espoir abandonnée
Qu’au port, en doux repos, j’accomplisse mes jours,

Que je meure en moy-mesme, à fin qu’en toy je vive,
Que j’abhorre le monde et que, par ton secours,
La prison soit brisée où mon ame est captive.

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