Quant est d’Amour, je crois que c’est un songe,
Ou fiction, qui se paît de mensonge,
Tant que celui, qui peut plus faire encroire
Sa grand’feintise, en acquiert plus de gloire.

Car l’un feindra de désirer la grâce,
De qui soudain voudra changer la place
L’autre fera mainte plainte à sa guise,
Portant toujours l’amour en sa devise,
Estimant moins toute perfection
Que le plaisir de folle affection :
Aussi jamais ne s’en trouve un content,
Fuyant le bien, où tout bon coeur prétend.
Et tout cela vient de la nourriture
Du bas savoir, que tient la créature.

Mais l’amitié, que les Dieux m’ont donnée,
Est à l’honneur toute tant adonnée
Que le moins sûr de mon affection
Est assuré de toute infection
De Faux-Semblant, Danger, et Changement,
Étant fondé sur si sain jugement
Que, qui verra mon ami apparaître,
Jamais fâché ne le pourra connaître :
Pource qu’il est toujours à son plaisir
Autant content que contient mon désir.
Et si voulez savoir, ô Amoureux,
Comment il est en ses amours heureux :
C’est que de moi tant bien il se contente,
Qu’il n’en voudrait espérer autre attente,
Que celle-là qui ne finit jamais,
Et que j’espère assurer désormais
Par la vertu en moi tant éprouvée,
Qu’il la dira ès plus hauts Cieux trouvée.

Par quoi, lui sûr de ma ferme assurance,
M’assurerai de crainte, et ignorance.

(Elégie I)

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