A Claude Bectone, Dauphinoise.

Si Amour n’était tant volage
Ou qu’on le pût voir en tel âge
Qu’il sût les labeurs estimer,
On pourrait bien sans mal aimer.

Si Amour avait connaissance
De son invincible puissance,
Laquelle il oit tant réclamer,
On pourrait bien sans mal aimer.

Si Amour découvrait sa vue
Aussi bien qu’il fait sa chair nue,
Quand contre tous se veut armer,
On pourrait bien sans mal aimer.

Si Amour ne portait les flèches
Dont aux yeux il fait maintes brèches
Pour enfin les coeurs consommer,
On pourrait bien sans mal aimer.

Si Amour n’avait l’étincelle,
Qui plus couverte et moins se celle,
Dont il peut la glace enflammer,
On pourrait bien sans mal aimer.

Si Amour, de toute coutume,
Ne portait le nom d’amertume,
Et qu’en soi n’eût un doux amer,
On pourrait bien sans mal aimer.

RÉPONSE

Si chose aimée est toujours belle,
Si la beauté est éternelle,
Dont le désir n’est à blâmer,
On ne saurait que bien aimer.

Si le coeur humain qui désire
En choisissant n’a l’oeil au pire,
Quand le meilleur sait estimer,
On ne saurait que bien aimer.

Si l’estimer naît de prudence,
Laquelle connaît l’indigence,
Qui fait l’amour plaindre et pâmer,
On ne saurait que bien aimer.

Si le bien est chose plaisante,
Si le bien est chose duisante*,
Si au bien se faut conformer,
On ne saurait que bien aimer.

Bref, puisque la bonté bénigne
De la sapience divine
Se fait charité surnommer,
On ne saurait que bien aimer.

(*) convenable

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