Ballade de l’amie perdue

Je ne fu nez fors pour tout mal avoir
Et soustenir les assaulz de Fortune.
Qu’est ce de bien ? Je ne le puis savoir,
N’oncques n’en eus ne n’ay joie nesune.
Je fusse mieulx tout mort cent fois contre une
Que de vivre si doulereusement.
Ce que je vueil ne vient tout autrement,
Car Fortune a pieça ma mort juree.
Il me desplaist de ma longue duree
Ne je n’ay plus de vivre grant envie,
Mais me murtrit douleur desmesuree
Quant je ne voy ma doulce dame en vie.

J’ay perdu cuer, sentement et savoir.
Plourer a part, c’est mon oeuvre commune.
Plains et regrez sont mon plus riche avoir,
Ne je ne compte en ce monde une prune.
Tout m’ennuye, ciel et soleil et lune,
Et quanqui est dessoulz le firmament.
Je desire le jour du jugement
Quant ma joie est sous la tombe emmuree
Et que la mort m’est rude et aduree
Qui m’a tolu celle que j’ai servie,
Dont j’ay depuis longue peine enduree,
Quant je ne voy ma doulce dame en vie.

Je n’attens rien que la mort recevoir.
Mon cuer a pris a ma vie rancune.
La mort en fait lachement son devoir
Quant el n’occit et chascun et chascune,
Sans espargnier ne beauté ne pecune.
Mais, malgré tout lour efforceëment*,
Je la requier craignant duel et torment
Et elle soit par rigueur conjuree.
Elas ! pourquoy m’a elle procuree
Mort a demy sans l’avoir assouvie ?
Vie en langueur, telle est ma destinee,
Quant je ne voy ma doulce dame en vie.

(*) prière instante

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